Extraits de la dernière partie qui retranscrit des textes de 1963-1966.
« Dans tous les cas, le
propre d'un objet ou d'un fait dit normal, par référence à une
norme externe ou immanente, c'est de pouvoir être, à son tour, pris
comme référence d'objets ou de faits qui attendent encore de
pouvoir être dits tels. Le normal c'est donc à la fois
l'extension et l'exhibition de la norme. Il multiplie la règle en
même temps qu'il l'indique. Il requiert donc hors de lui, à
côté de lui et contre lui, tout ce qui lui échappe encore. Une
norme tire son sens, sa fonction et sa valeur du fait de l’existence
en dehors d'elle de ce qui ne répond pas à l'exigence qu'elle
sert. » p.227
« Mais de la valeur de
la règle elle-même peut-on jouir simplement ? Jouir
véritablement de la valeur de la règle, de la valeur du règlement,
de la valeur de la valorisation, requiert que la règle ait été
soumise à l'épreuve de la contestation. Ce n'est pas seulement
l'exception qui confirme la règle comme règle, c'est
l'infraction qui lui donne occasion d'être règle en faisant règle.
En ce sens l'infraction est non l'origine de la règle, mais
l'origine de la régulation. Dans l'ordre du normatif, le
commencement c'est l'infraction. » p.230
« L'anormal, en tant
qu'a-normal, est postérieur à la définition du normal, il en est
la négation logique. C'est pourtant l'antériorité historique du
futur anormal qui suscite une intention normative. Le normal c'est
l'effet obtenu par l'exécution du projet normatif, c'est la norme
exhibée dans le fait. Sous le rapport du fait, il y a donc entre le
normal et l'anormal un rapport d'exclusion. Mais cette négation est
subordonnée à l'opération de négation, à la correction appelée
par l'anormalité. ; Il n'y a donc aucun paradoxe à dire que
l'anormal, logiquement second, est existentiellement premier. »
p .232
« Il suffit qu'un
individu s'interroge dans une société quelconque sur les besoins et
les normes de cette société et les conteste, signe que ces besoins
et ces normes ne sont pas ceux de toute la société, pour qu'on
saisisse à quel point le besoin social n'est pas immanent, à
quel point la norme sociale n'est pas intérieure, à quel point
en fin de compte la société, siège de dissidences contenues
ou d'antagonismes latents, est loin de se poser comme un tout. »
p .246
« Si les normes sociales
pouvaient être aperçues aussi clairement que des normes organiques,
les hommes seraient fous de ne pas s'y conformer. Comme les hommes ne
sont pas fous, et comme il n'existe pas de Sages, c'est que les
normes sociales sont à inventer et non pas à observer. »
p.249-250
Le normal et le pathologique, PUF, première parution 1943
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