dimanche 1 février 2015

FOUCAULT - La normalisation

Les techniques disciplinaires, à l'œuvre dans les ateliers, les écoles, les usines, mettent toujours en place une micropénalité (parallèle aux grands mécanismes judiciaires étatiques) constituée par des amendes, punitions, etc. Il s'agit de châtier à chaque fois le corps rebelle, le corps indocile. Mais ces menus châtiments doivent être compris dans leur fonction de correction. Il s'agit d'extraire du corps (par un système de sanctions équilibré par un système de récompenses) une conduite normalisée. C'est en ce sens que Foucault oppose la loi à la norme. Cette opposition peut se donner dans ses textes sous la forme d'une évolution historique : la forme dominante de pouvoir du Moyen Âge à l'âge classique serait ordonnée à la Loi ; nos sociétés modernes au contraire fonctionneraient pour l'essentiel à la norme. La pénalité judiciaire selon la loi est structurée par une opposition binaire (le permis et le défendu) : elle opère un partage des actes en référence à des textes. La loi par ailleurs s'applique aux individus, mais de l'extérieur, et essentiellement à l'occasion d'une infraction. Enfin, elle délimite un domaine du permis comme espace de liberté qu'elle n'investit pas. Le dispositif disciplinaire sécrète en revanche une pénalité selon la norme dont le fonctionnement est irréductible au vieux système de la Loi. La norme tente en effet d'atteindre l'intériorité des conduites individuelles afin de leur imposer une courbe déterminée. Elle ne saisit pas l'individu à l'occasion d'actes précis et ponctuels, mais tâche d'investir la totalité de l'existence. Enfin, alors que la loi dans son application et sa rigueur s'entoure de tout un rituel théâtral, la norme est diffuse, sournoise, indirecte : elle finit par s'imposer au détour de mille et mille réprimandes mesquines.

Extrait de Que sais-je ? Michel Foucault par Frédéric Gros, pages 67-68 des éditions PUF.

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